La trajectoire du scarabée

La trajectoire du scarabée de Jean Pellet

Le livre

Paul, est un médecin de soixante-deux ans, établi dans le cadre majestueux des montagnes de l’Isère. Pour lui, cette terre est bien plus qu’un lieu de travail, c’est un sanctuaire, un exil choisi, le refuge d’une âme en quête de paix. Mais derrière la quiétude de ce paysage se cache une vérité plus sombre : quelque chose s’est éteint en lui, un vide qui dure depuis des décennies.

Dans une démarche aussi inattendue qu’impulsive, Paul renoue avec un ami de longue date, perdu de vue depuis leurs années d’étude en médecine. Ce qui s’annonce est une aventure émotionnelle intense, une semaine bouleversante qui pourrait bien être le tournant de sa vie.

Ce récit tendu et incisif vous emmène au cœur d’un voyage introspectif, où Paul, à travers les paysages immuables et la réconciliation avec son passé, trouve une voix libératrice. Une histoire de rédemption, de renaissance et de la puissance inattendue des liens humains, qui vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière page.

Ne manquez pas ce voyage émotionnel profond, où le passé et le présent se rencontrent pour libérer l’avenir. La trajectoire du  scarabée est une ode à la résilience de l’esprit humain, un rappel poignant que la lumière peut toujours percer l’obscurité, peu importe depuis combien de temps elle semble éteinte.

Pourquoi avoir écrit ce livre, comment vous en est venu l’idée ?

Ce livre répond à deux exigences  :  celle de relater des faits de ma pourtant lointaine enfance, enfouis sous le fatras des années, mais toujours là, malgré l’éclipse et l’oubli. Mais également la conscience que nous sommes des êtres de fiction, et que, comme le suggère Patrick Modiano, la meilleure façon de rendre le passé inoffensif est d’en faire un roman.

Premières pages

1.

Lorsque ma secrétaire m’a annoncé : « Vous avez en ligne le Docteur Paul R. », je n’eus aucune hésitation. J’ai pris la communication. Il m’a dit : « C’est Paul ! », comme si nous nous étions quittés la veille, et comme s’il n’y avait au monde qu’un seul Paul possible. Il a ajouté « Oui, je sais, ça fait trente-deux ans ! », et, après un silence : « Le temps, c’est compliqué. On peut même se demander s’il existe ». J’ai immédiatement reconnu sa voix, et sa façon ironique de parler. Une belle voix un peu nasale, comme réticente, que l’on comparait à celle de Daniel Auteuil. Une voix pas prétentieuse.

« J’aimerais te revoir si tu veux bien. C’est très important pour moi, je t’expliquerai. Je serai à Paris vers la mi-novembre ».

Il a précisé qu’il voulait me confier des choses anciennes. « Ce sont de vieilles histoires d’enfance. On ne sait pas qu’en faire, elles résistent, tu sais bien ».

Et quand, intrigué, je lui ai demandé : « Mais pourquoi moi, maintenant, Paul ? », il m’a répondu cette phrase énigmatique, avec un curieux petit rire : « Je t’ai choisi comme ange tutélaire ». Devant ma perplexité il a ajouté : « Si tu refuses, je comprendrai ».

Évidemment j’ai accepté. Paul est mon ami.

C’est à Paris que nous nous sommes connus, Paul et moi. Nous avons fait nos études de médecine ensemble, dans les années quatre-vingt. Nous étions colocataires, co-internes, collègues, enfin co-quelque chose. On avait sans doute vécu assez de galères communes pour se dire amis. La médecine crée des liens qui sont souvent des convergences de crises. L’amitié est une chose curieuse. Parfois on est amis et on ne le sait pas. Parfois au contraire on se croit amis et on découvre brutalement l’erreur. Les amis on peut les perdre du jour au lendemain. Ils disparaissent. On confond fréquemment l’amitié et la camaraderie, la collégialité, les élans sympathiques, quelques confidences imprudemment lâchées, quelques sourires, une illusion de connivence. La camaraderie, c’est une affaire plus simple. C’est un beau mot aussi, plus modeste. On pourrait s’en tenir là. L’amitié, c’est un long travail du temps.

J’habite toujours Paris. Paris est mon univers. Je suis cardiologue en milieu hospitalier. Paul a quitté la région parisienne en 1987. Nous nous sommes perdus de vue. Lorsqu’on perd quelqu’un de vue, on ne le perd pas forcément. On sait que l’autre, absent, n’est pas oublié et qu’il ne vous oublie pas. Du moins le croit-on. Il est là quelque part dans le vaste monde, et a parfois pour vous une pensée. Les vieux inconnus presqu’oubliés restent tapis dans un coin de notre mémoire, où ils continuent de vivre, et nous aident à vivre.

Je pensais souvent à Paul. Les intermittences de la mémoire et du cœur sont de petits avatars mystérieux de l’existence qui nous laissent espérer, ce qui n’est pas sans rapport avec le désir. Il en est ainsi des anciennes amours. C’est plutôt rassurant de penser que personne ne disparaît vraiment.

Il avait pris quelques jours de congés. Novembre n’est pas un mois facile en médecine. Pour ma part j’ai eu du mal à me libérer totalement, mais j’ai pu le voir longuement, l’après-midi ou le soir, chaque jour de cette semaine-là.

Il avait fait le voyage dans un but très précis, dans une sorte d’urgence.

Je suis donc le scribe d’une histoire jamais dite à personne. Il m’a demandé de l’écrire. Il avait essayé mais n’arrivait pas à le faire lui-même. Il avait su que j’avais écrit plusieurs livres, et ce fut sans doute la raison principale de nos retrouvailles. D’ailleurs il m’a dit : « Tu sais j’ai lu tous tes livres », et j’avoue que cette remarque a sans doute été importante dans mon acceptation !

Je ne suis pas sûr d’être fidèle à ce qu’il m’a raconté, à ce qu’il a vécu, à ce qu’il est, à l’aventure subjective singulière qu’il m’a confiée. Mais il m’en a chargé. Je suis son traducteur. Je traduis une langue inconnue, celle d’un autre.

J’ai peur, à la réflexion, d’être l’artisan de la mutation de l’homme, Paul, en personnage. De devenir le romancier de sa vie. Il arrive que la vérité soit travestie de fantasmes. Je le sais. Nous sommes tous des êtres de fiction.

Je lui avais donné rendez-vous à deux pas de chez moi, dans ce 20e arrondissement que je n’ai jamais vraiment quitté, à la Brasserie Chantefable, ma cantine. J’habite Ménilmontant. Divorcé il y a cinq ans, j’ai gardé le grand appartement proche de l’hôpital où je travaille. J’ai une vie simple, libre et essentiellement construite autour du métier. J’ai peu de loisirs, en dehors de la lecture. Je ne voyage pas. Cela ne m’intéresse pas, hormis quelques rares séjours aux États-Unis et au Canada où vivent mes deux garçons. Ils ont chacun deux enfants. Ils ne reviennent qu’épisodiquement en France. On fait semblant de croire que WhatsApp remplace la vraie vie. Ils voient davantage leur mère qui vit à Boston.

Depuis ma séparation je n’ai pas pu reconstruire d’histoire solide. Je vis seul. Je suis fils unique, ma mère est morte jeune. Mon père a disparu à soixante-dix ans en 2007 dans un accident d’avion au-dessus de la méditerranée, ce qui a contribué à sa légende. Pilote amateur, il avait décollé de Nice pour rejoindre Calvi.

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