Zee ou la dentellière de Burano

Zee ou la dentellière de Burano de Dan Beaurain-Gaël

366 pages, 25 €


ebook : 12,99 €

4e de couverture

Zelia partage avec le jeune Tim une complicité amoureuse, jusqu’au jour où celui-ci disparaît, happé par la quatrième guerre d’Italie ! Elle partira à sa recherche, elle aussi à Venise, et trouvera refuge parmi les pêcheurs de la Lagune, où elle sera initiée au fameux punta in aria de Burano, l’art de la dentelle dans lequel elle excellera. 

 Nous sommes au XVIe siècle sur les terres du Nord, d’abord autrichiennes, ensuite espagnoles… La Flandre est minée par l’ensablement du Zwin, et Bruges en subit les effets. La ville, naguère prospère, périclite inexorablement. La faillite menace et le drapier Wilhem doit quitter tout ce qu’il possède pour se reconvertir dans la Cité des Doges, son dernier espoir. 

Comme dans tous les exils, les personnages laissent beaucoup d’eux-mêmes sans savoir ce qu’ils vont trouver… 

Les plus de ce roman

Un roman qui relate la vie au Moyen-Âge de Bruges à Venise ;
Le lecteur s’immerge dans la Sérénissime ;
De nombreuses péripéties qui tiennent le lecteur en haleine. 

Interview

Qu’est-ce qui vous pousse à écrire ?

D’un naturel curieux, j’aime les surprises, et je m’adapte aux changements… Ecrire m’offre l’occasion de vivre plusieurs vies à la fois, d’explorer des réalités insoupçonnées.  En créant mes personnages, j’élargis mon horizon, j’agrandis ma famille, qui se peuple d’un monde en perpétuelle effervescence. Mes héroïnes et mes héros, une fois mis au monde, acquièrent une existence propre que je découvre et redécouvre…. Le plus beau moment est celui où ils se détachent de moi et où je peux à mon tour, les accompagner dans leur périple.  Je constate alors qu’il y a des évidences, que chacun tient à sa personnalité et qu’aucun d’entre eux n’est interchangeable. Certains ont un destin heureux, d’autres ont moins de chance…  Je suis à la fois celle qui leur donne vie et celle qui les regarde vivre.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Bruges et Venise sont unies par une séculaire histoire d’amour, et leurs similitudes ne se limitent pas seulement au fait qu’elles sont parcourues de canaux. Elles ont tour à tour détenu le monopole du commerce par un prodigieux développement maritime, et leur floraison artistique s’est épanouie dans tout l’Occident. Vouées tour à tour aux caprices de la nature, l’une,  étouffée par l’ensablement, l’autre menacée par la montée des eaux, elles sont aujourd’hui, devenues toutes deux de vivants musées. Pouvoir les évoquer à travers le récit d’un exil où l’homme ne peut s’élever qu’en abandonnant au passé une part de lui-même, m’a permis de revisiter une autre facette de l’histoire. Quant à  Zee, mon héroïne, elle symbolise à la fois le défi permanent  contre les préjugés, la volonté de vaincre l’adversité et le refus de la résignation. Un vrai bonheur lorsqu’on est conscient de la lutte des femmes pour s’affirmer dans le monde, d’hier et d’aujourd’hui !

Comment vous en est venue l’idée ?

Dans l’anonymat de la vie urbaine, la réalité parfois, dépasse la fiction ! Je découvris un jour qu’une de mes voisines s’adonnait à l’art de la dentelle…. Pourtant, cette pratique m’était familière, ayant souvent séjourné à Bruges lorsque j’étais enfant. Les dentellières, alors assises au coin des rues, faisaient partie du décor. Avec le temps, elles ont pratiquement disparu… Mais aujourd’hui… en pleine ville, si proche de moi… une dentellière ! L’incongruité de la découverte, à la fois anachronique et fascinante fut révélatrice : je me plongeai dans l’histoire de la Lagune de Venise où la petite île de Burano avait jadis donné naissance à son « punta in aria »… et décidai d’évoquer ce lumineux héritage du sud, si merveilleusement propagé dans nos traditions du nord, durant les sombres remous de la Renaissance.

Premières pages

Chapitre 1

La septième fille

Comment la pieuse Augusta met au monde une ribambelle de créatures maudites

La naissance est le lieu de l’inégalité. L’égalité prend sa revanche avec l’approche de la mort.
Jean d’Ormesson

La silhouette du drapier Van Dooren se devinait à peine dans le petit matin brumeux. Quelques chats errants glis­saient furtifs, le long des façades bleutées en pierre de Tournai qui menaient au chemin de halage de Lisseweghe. Tout en maugréant, l’homme dépassa le Tiendebrug et le Heulebrug, les deux premiers ponts qui surplombaient l’ancien canal. Plongé dans sa réflexion d’une morosité extrême, il franchit le troisième pont, le Roelandsbrug, s’arrêta un moment pour mirer l’eau noire qui transportait vers Bruges ses chargements de laine. Le dos voûté, l’œil vague, il eut la tentation de rejoindre une de ses embarcations. Quitter à jamais ces lieux maudits, ne plus y revenir ! Fuir les ricanements qui ne manqueraient pas de le blesser à nouveau, ne plus lire sur la face des commères leurs sourires compatissants, ne plus entendre fuser les rires gras des mariniers à la taverne, quel soulagement ce serait pour lui ! Dans quelques heures, on viendrait en effet, comme à chaque fois, le féliciter d’être père. Le Diable se jouait de lui, en cet hiver 1500. Il en était persuadé, son septième enfant verrait bientôt le jour : pour sûr, une septième fille ! Après quinze ans de mariage, l’infortuné Wilhem, objet de dérision de ses contemporains, avait perdu tout espoir de se voir offrir un héritier. Et aujourd’hui encore, demain au plus tard… C’est en ces sombres moments qu’il haïssait presque sa femme, source de ces diaboliques entreprises ! Au lieu d’épouser Augusta, que n’avait-il plutôt jeté son dévolu sur Marieke, sa cadette, aujourd’hui mariée à son cousin Hans et déjà mère de quatre garçons ? La risée de la famille, voilà tout ce qu’il était devenu.     

Depuis qu’il avait lié son destin avec la fille aînée de l’éclusier De Linde, celle-ci ne lui avait fait que des filles ! À commencer par la grande, âgée aujourd’hui de près de quatorze ans, venue au monde dans les premiers mois d’une union qui s’annonçait heureuse. Augusta, blonde et timide adolescente, était devenue son épouse, devant Dieu et devant les hommes, dans la grande église Notre-Dame de la Visitation, à Lisseweghe. Wilhem, en ce jour lointain qu’il avait espéré béni, ne doutait point de sa félicité. Devant lui se profilait un avenir radieux. Son métier n’avait jamais été aussi prometteur, maintenant qu’on pouvait envisager un redéploiement du marché textile brugeois avec l’Angleterre, qui, sous le règne du roi Henri VII, connaissait un renouveau de paix rétablissant les échanges avec les pays bourguignons.

La jeune femme fut rapidement enceinte et son époux ne doutait pas qu’elle lui donnât l’héritier destiné à la pérennité de son entreprise…

— Il se nommera Wilhem, tout comme moi. J’en ferai un autre moi-même ! se promit-il.

Mais ce fut une héritière qui vit le jour. La timide épouse, mortifiée, avait reconnu sa culpabilité en admettant que lui incombait cette malheureuse naissance. Pour témoigner de sa magnanimité à l’égard de la fautive, son mari lui offrit le traditionnel bijou, acheté avant même la venue de l’enfant à un marchand d’Anvers. Ainsi se conformait-il à la coutume qui était de témoigner sa gratitude à la génitrice d’un premier héritier en la dotant d’une perle immaculée. 

— Que cette bague ma chère, vous encourage à m’offrir bien vite le fils que je souhaite. Mais bien entendu, vous ne le porterez qu’à la naissance d’un garçon. 

Il décida ensuite de nantir sa première née, d’une variante de son propre prénom, ainsi qu’il l’aurait fait pour un fils. Et ce fut Wilma que l’on baptisa en la chapelle de l’abbaye cistercienne Ter Doest. 

Après tout, une grande sœur n’était pas une mauvaise chose pour prendre soin du petit frère qui ne saurait tarder. Augusta, jeune et robuste, se remit promptement de ses couches, et tenta de rattraper sa bévue… tant et si bien qu’un deuxième enfant fit rapidement son apparition : ce fut Teresa ! Wilhem, irrité, prétexta que ses affaires n’étaient pas assez florissantes pour se permettre de célébrer des réjouissances. Cette fois encore, on attendrait pour orner de la perle d’Orient la jolie main d’Augusta. Quelque temps plus tard, s’annonça à l’horizon familial une troisième naissance…

— La troisième fois… il viendra, j’en suis sûre, se hasarda à plaider Augusta. Ne dit-on pas toujours « le troisième, c’est le bon » ?

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