Meltem

Meltem de Dan Beaurain-Gaël

296 pages

4e de couverture

La peste sévit à Venise à la fin du XVIe siècle. Afin d’échapper à cette fin horrible, un jeune homme  parvient à fuir la ville pour tomber aux mains de corsaires à la solde des Ottomans. Ces derniers le vendent à un embaumeur renommé sur le marché des esclaves de Tunis. 

Après dix ans de captivité, il rejoint Tinos, son île natale dans les Cyclades, et y rencontre Bella, une
riche héritière, fille de colons vénitiens. Un amour interdit où les comptes se règlent sans pitié entre maîtres et esclaves. Une saga familiale, sur fond de piraterie, où le destin des hommes est soumis au Meltem, le vent de l’Histoire. 

Interview

à venir

Premières pages

Prologue

On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même, après un trajet que personne ne peut faire pour nous…

Marcel Proust 

Que m’a dit le vent aujourd’hui ? 

Il a soufflé des mots incompréhensibles, qui se cachaient déjà dans mon cœur. Avant… avant la vie. Avant que la vie m’apprenne à aimer et à perdre. Avant que j’apprenne à parler, avant que j’apprenne à chanter, des mots de vent. Il m’a dit que je n’étais ni d’hier ni de demain, que seul comptait le temps présent, son souffle et sa caresse. 

Je suis l’ami du vent, son amant. Il m’entraîne dans son monde, s’enroule à moi et nous dansons, enlacés sur les notes du temps. Il siffle, souffle, gémit et je pleure avec lui. Puis il se met à rire, en nuées aériennes, il m’emporte au loin. Je frémis dans ses volutes. On dit que ma raison tournoie au gré du vent, que je n’ai pas plus de bon sens qu’une girouette. C’est vrai, je m’envole souvent avec lui. Ensemble, nous voyageons et je vis.

Parfois, il se met en colère et dans ses bourrasques, je découvre tornades, tempêtes et ouragans. Puis il se calme et me berce au soleil couchant. Une voix au village souligne le calme reconquis : « Le vent est tombé, on peut espérer, pour demain, un temps plus clément ». J’écoute alors le silence du vent. 

Pas un souffle d’air. Le monde est pris de torpeur. Tout est à l’arrêt. La mer est un miroir figé. On se met à rêver : « S’il y avait un peu de vent ! On pourrait naviguer… ». 

Le monde retient son souffle : des notes lui parviennent, comme un écho lointain de vie. Des voix accompagnent les sons. Est-ce la parole ancienne qui nous revient ?

Le vent murmure. Il muse d’abord timidement, en brise douce, puis s’élève, en courant d’air. Je frissonne à son appel. Soudain, il tourbillonne, gifle en rafales, et se rebelle, dresse l’une contre l’autre les vagues, devenues farouches. Il m’entraîne dans sa fureur : je me mets à courir, à dévaler sans raison le flanc de la montagne, à hurler toutes mes désespérances, à proférer toutes les malédictions, contre les dieux qui ont fait de moi un fils de l’étésien. Ce souffle sauvage qui provient de la mer, je le défie et pour l’affronter je crie son nom : « Meltem ! »

Lorsqu’enfin le vent cesse, tout s’apaise. Je me tiens devant la grotte qui me sert de refuge, je guette les sons errants qui s’enroulent aux derniers souffles du soir, ceux d’un temps révolu où murmurait l’eau de la fontaine avant qu’elle ne se pare de sang. Le temps, anéanti, d’avant les grands tourments. 

Un ramier perce soudain les ombres de la nuit. Il m’apporte une certitude : celle qui fait de moi un être heureux et libre. Libre comme le vent.

On en parle

Bientôt

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